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 Ecouter La dame aux Camélias (mp3)

 

 

Bande annonce, film 2012

 

 Camille, George Cukor, 1936 - Avec Greta Garbo...

 

 

 

 

Objet d’étude – Roman au 19ème siècle
Thème : La dame aux camélias

Quelques extraits susceptibles d'être étudiés en classe...

Extrait 1 - La Dame aux Camélias (1848), Dumas fils – Chapitre 2 - Le portrait de l’héroïne

Or, il était impossible de voir une plus charmante beauté que celle de Marguerite.
Grande et mince jusqu'à l'exagération, elle possédait au suprême degré l'art de faire disparaître cet oubli de la nature par le simple arrangement des choses qu'elle revêtait. Son cachemire, dont la pointe touchait à terre, laissait échapper de chaque côté les larges volants d'une robe de soie, et l'épais manchon qui cachait ses mains et qu'elle appuyait contre sa poitrine, était entouré de plis si habilement ménagés, que l'oeil n'avait rien à redire, si exigeant qu'il fut, au contour des lignes.
La tête, une merveille, était l'objet d'une coquetterie particulière. Elle était toute petite, et sa mère, comme dirait De Musset, semblait l'avoir faite ainsi pour la faire avec soin.
Dans un ovale d'une grâce indescriptible, mettez des yeux noirs surmontés de sourcils d'un arc si pur qu'il semblait peint ; voilez ces yeux de grands cils qui, lorsqu'ils s'abaissaient, jetaient de l'ombre sur la teinte rose des joues ; tracez un nez fin, droit, spirituel, aux narines un peu ouvertes par une aspiration ardente vers la vie sensuelle ; dessinez une bouche régulière, dont les lèvres s'ouvraient gracieusement sur des dents blanches comme du lait ; colorez la peau de ce velouté qui couvre les pêches qu'aucune main n'a touchées, et vous aurez l'ensemble de cette charmante tête.
Les cheveux noirs comme du jais, ondés naturellement ou non, s'ouvraient sur le front en deux larges bandeaux, et se perdaient derrière la tête, en laissant voir un bout des oreilles, auxquelles brillaient deux diamants d'une valeur de quatre à cinq mille francs chacun.
Comment sa vie ardente laissait-elle au visage de Marguerite l'expression virginale, enfantine même qui le caractérisait, c'est ce que nous sommes forcé de constater sans le comprendre.
Marguerite avait d'elle un merveilleux portrait fait par Vidal, le seul homme dont le crayon pouvait la reproduire. J'ai eu depuis sa mort ce portrait pendant quelques jours à ma disposition, et il était d'une si étonnante ressemblance qu'il m'a servi à donner les renseignements pour lesquels ma mémoire ne m'eût peut-être pas suffi.
Parmi les détails de ce chapitre, quelques-uns ne me sont parvenus que plus tard, mais je les écris tout de suite pour n'avoir pas à y revenir, lorsque commencera l'histoire anecdotique de cette femme.
Marguerite assistait à toutes les premières représentations et passait toutes ses soirées au spectacle ou au bal. Chaque fois que l'on jouait une pièce nouvelle, on était sûr de l'y voir, avec trois choses qui ne la quittaient jamais, et qui occupaient toujours le devant de sa loge de rez-de-chaussée : sa lorgnette, un sac de bonbons et un bouquet de camélias.
Pendant vingt-cinq jours du mois, les camélias étaient blancs, et pendant cinq ils étaient rouges ; on n'a jamais su la raison de cette variété de couleurs, que je signale sans pouvoir l'expliquer et que les habitués des théâtres où elle allait le plus fréquemment et ses amis avaient remarquée comme moi.
On n'avait jamais vu à Marguerite d'autres fleurs que des camélias. Aussi chez Madame Barjon, sa fleuriste, avait-on fini par la surnommer la dame aux camélias, et ce surnom lui était resté.

 

 

Extrait 2 - La Dame aux Camélias (1848), La rencontre, chap. 10

- Mais à qui croyez-vous donc avoir affaire ? Je ne suis ni une vierge ni une duchesse. Je ne vous connais que d'aujourd'hui et ne vous dois pas compte de mes actions. En admettant que je devienne un jour votre maîtresse, il faut que vous sachiez bien que j'ai eu d'autres amants que vous. Si vous me faites déjà des scènes de jalousie avant, qu'est-ce que ce sera donc après, si jamais l'après existe ! Je n'ai jamais vu un homme comme vous.
- C'est que personne ne vous a jamais aimée comme je vous aime.
- Voyons, franchement, vous m'aimez donc bien ?
- Autant qu'il est possible d'aimer, je crois.
- Et cela dure depuis... ?
- Depuis un jour que je vous ai vue descendre de calèche et entrer chez Susse, il y a trois ans.
- Savez-vous que c'est très beau ? Eh bien, que faut-il que je fasse pour reconnaître ce grand amour ?
- Il faut m'aimer un peu, dis-je avec un battement de coeur qui m'empêchait presque de parler ; car, malgré les sourires demi-moqueurs dont elle avait accompagné toute cette conversation, il me semblait que Marguerite commençait à partager mon trouble, et que j'approchais de l'heure attendue depuis si longtemps.
- Eh bien, et le duc ?
- Quel duc ?
- Mon vieux jaloux.
- Il n'en saura rien.
- Et s'il le sait ?
- Il vous pardonnera.
- Hé non ! Il m'abandonnera, et qu'est-ce que je deviendrai ?

 

Extrait 3 - La Dame aux Camélias (1848), Le pacte d'amour – Chapitre 10

- Si vous saviez comme je vous aime ! lui disais-je tout bas.
- Bien vrai ?
- Je vous jure.
- Eh bien, si vous me promettez de faire toutes mes volontés sans dire un mot, sans me faire une observation, sans me questionner, je vous aimerai peut-être.
- Tout ce que vous voudrez !
- Mais je vous en préviens, je veux être libre de faire ce que bon me semblera, sans vous donner le moindre détail sur ma vie. Il y a longtemps que je cherche un amant jeune, sans volonté, amoureux sans défiance, aimé sans droits. Je n'ai jamais pu en trouver un. Les hommes, au lieu d'être satisfaits qu'on leur accorde longtemps ce qu'ils eussent à peine espéré obtenir une fois, demandent à leur maîtresse compte du présent, du passé et de l'avenir même. à mesure qu'ils s'habituent à elle, ils veulent la dominer, et ils deviennent d'autant plus exigeants qu'on leur donne tout ce qu'ils veulent. Si je me décide à prendre un nouvel amant maintenant, je veux qu'il ait trois qualités bien rares, qu'il soit confiant, soumis et discret.
- Eh bien, je serai tout ce que vous voudrez.
- Nous verrons.
- Et quand verrons-nous ?
- Plus tard.
- Pourquoi ?
- Parce que, dit Marguerite en se dégageant de mes bras et en prenant dans un gros bouquet de camélias rouges apporté le matin un camélia qu'elle passa à ma boutonnière, parce qu'on ne peut pas toujours exécuter les traités le jour où on les signe. C'est facile à comprendre.
- Et quand vous reverrai-je ? dis-je en la pressant dans mes bras.
- Quand ce camélia changera de couleur.
- Et quand changera-t-il de couleur ?
- Demain, de onze heures à minuit. êtes-vous content ?
- Vous me le demandez ?
- Pas un mot de tout cela ni à votre ami, ni à Prudence, ni à qui que ce soit.
- Je vous le promets.
- Maintenant, embrassez-moi et rentrons dans la salle à manger.

 

Extrait 4 - La Dame aux Camélias (1848), La rédemption – Chapitre 15

- Et pourquoi ne pouviez-vous pas me recevoir ?
- Parce que je suis très surveillée, et que le moindre soupçon pourrait me faire le plus grand tort.
- Est-ce bien la seule raison ?
- S'il y en avait une autre, je vous la dirais ; nous n'en sommes plus à avoir des secrets l'un pour l'autre.
- Voyons, Marguerite, je ne veux pas prendre plusieurs chemins pour en arriver à ce que je veux vous dire. Franchement, m'aimez-vous un peu ?
- Beaucoup.
- Alors, pourquoi m'avez-vous trompé ?
- Mon ami, si j'étais madame la duchesse telle ou telle, si j'avais deux cent mille livres de rente, que je fusse votre maîtresse et que j'eusse un autre amant que vous, vous auriez le droit de me demander pourquoi je vous trompe ; mais je suis Mademoiselle Marguerite Gautier, j'ai quarante mille francs de dettes, pas un sou de fortune, et je dépense cent mille francs par an, votre question devient oiseuse et ma réponse inutile.
- C'est juste, dis-je en laissant tomber ma tête sur les genoux de Marguerite, mais moi je vous aime comme un fou.
- Eh bien, mon ami, il fallait m'aimer un peu moins ou me comprendre un peu mieux. Votre lettre m'a fait beaucoup de peine. Si j'avais été libre, d'abord je n'aurais pas reçu le comte avant-hier, ou, l'ayant reçu, je serais venue vous demander le pardon que vous me demandiez tout à l'heure, et je n'aurais pas à l'avenir d'autre amant que vous. J'ai cru un moment que je pourrais me donner ce bonheur-là pendant six mois ; vous ne l'avez pas voulu ; vous teniez à connaître les moyens, eh ! Mon dieu, les moyens étaient bien faciles à deviner. C'était un sacrifice plus grand que vous ne croyez que je faisais en les employant. J'aurais pu vous dire : j'ai besoin de vingt mille francs ; vous étiez amoureux de moi, vous les eussiez trouvés, au risque de me les reprocher plus tard. J'ai mieux aimé ne rien vous devoir ; vous n'avez pas compris cette délicatesse, car c'en est une. Nous autres, quand nous avons encore un peu de coeur, nous donnons aux mots et aux choses une extension et un développement inconnus aux autres femmes ; je vous répète donc que de la part de Marguerite Gautier le moyen qu'elle trouvait de payer ses dettes sans vous demander l'argent nécessaire pour cela était une délicatesse dont vous devriez profiter sans rien dire. Si vous ne m'aviez connue qu'aujourd'hui, vous seriez trop heureux de ce que je vous promettrais, et vous ne me demanderiez pas ce que j'ai fait avant-hier. Nous sommes quelquefois forcées d'acheter une satisfaction pour notre âme aux dépens de notre corps, et nous souffrons bien davantage quand, après, cette satisfaction nous échappe.
J'écoutais et je regardais Marguerite avec admiration. Quand je songeais que cette merveilleuse créature, dont j'eusse envié autrefois de baiser les pieds, consentait à me faire entrer pour quelque chose dans sa pensée, à me donner un rôle dans sa vie, et que je ne me contentais pas encore de ce qu'elle me donnait, je me demandais si le désir de l'homme a des bornes, quand, satisfait aussi promptement que le mien l'avait été, il tend encore à autre chose.
- C'est vrai, reprit-elle ; nous autres créatures du hasard, nous avons des désirs fantasques et des amours inconcevables. Nous nous donnons tantôt pour une chose, tantôt pour une autre. Il y a des gens qui se ruineraient sans rien obtenir de nous, il y en a d'autres qui nous ont avec un bouquet. Notre coeur a des caprices ; c'est sa seule distraction et sa seule excuse. Je me suis donnée à toi plus vite qu'à aucun homme, je te le jure ; pourquoi ? Parce que me voyant cracher le sang tu m'as pris la main, parce que tu as pleuré, parce que tu es la seule créature humaine qui ait bien voulu me plaindre.

 

Extrait 5 - La Dame aux Camélias (1848), Une crise – Chapitre 17

A partir de ce jour il ne fut plus question du duc. Marguerite n'etait plus la fille que j'avais connue. Elle evitait tout ce qui aurait pu me rappeler la vie au milieu de laquelle je l'avais rencontree. Jamais femme, jamais sour n'eut pour son epoux ou son frere l'amour et les soins qu'elle avait pour moi. Cette nature maladive etait prete a toutes les impressions, accessible a tous les sentiments. Elle avait rompu avec ses amies comme avec ses habitudes, avec son langage comme avec les depenses d'autrefois. Quand on nous voyait sortir de la maison pour aller faire une promenade dans un charmant petit bateau que j'avais achete, on n'eut jamais cru que cette femme vetue d'une robe blanche, couverte d'un grand chapeau de paille, et portant sur son bras la simple pelisse de soie qui devait la garantir de la fraicheur de l'eau, etait cette Marguerite Gautier qui, quatre mois auparavant, faisait bruit de son luxe et de ses scandales.
Helas! nous nous hations d'etre heureux, comme si nous avions devine que nous ne pouvions pas l'etre longtemps.
Depuis deux mois nous n'etions meme pas alles a Paris. Personne n'etait venu nous voir, excepte Prudence, et cette Julie Duprat dont je vous ai parle, et a qui Marguerite devait remettre plus tard le touchant recit que j'ai la.
Je passais des journees entieres aux pieds de ma maitresse. Nous ouvrions les fenetres qui donnaient sur le jardin, et regardant l'ete s'abattre joyeusement dans les fleurs qu'il fait eclore et sous l'ombre des arbres, nous respirions a cote l'un de l'autre cette vie veritable que ni Marguerite ni moi n'avions comprise jusqu'alors.
Cette femme avait des etonnements d'enfant pour les moindres choses. Il y avait des jours ou elle courait dans le jardin, comme une fille de dix ans, apres un papillon ou une demoiselle. Cette courtisane, qui avait fait depenser en bouquets plus d'argent qu'il n'en faudrait pour faire vivre dans la joie une famille entiere, s'asseyait quelquefois sur la pelouse, pendant une heure, pour examiner la simple fleur dont elle portait le nom.
Ce fut pendant ce temps-la qu'elle lut si souvent Manon Lescaut. Je la surpris bien des fois annotant ce livre: et elle me disait toujours que lorsqu'une femme aime, elle ne peut pas faire ce que faisait Manon.

 

 

Extrait 6 - La Dame aux Camélias (1848), L'agonie – Chapitre 26

"5 février : Oh ! Venez, venez, Armand, je souffre horriblement, je vais mourir, mon dieu. J'étais si triste hier que j'ai voulu passer autre part que chez moi la soirée qui promettait d'être longue comme celle de la veille. Le duc était venu le matin. Il me semble que la vue de ce vieillard oublié par la mort me fait mourir plus vite. Malgré l'ardente fièvre qui me brûlait, je me suis fait habiller et conduire au vaudeville. Julie m'avait mis du rouge, sans quoi j'aurais eu l'air d'un cadavre. Je suis allée dans cette loge où je vous ai donné notre premier rendez-vous ; tout le temps j'ai eu les yeux fixés sur la stalle que vous occupiez ce jour-là, et qu'occupait hier une sorte de rustre, qui riait bruyamment de toutes les sottes choses que débitaient les acteurs. On m'a rapportée à moitié morte chez moi. J'ai toussé et craché le sang toute la nuit. Aujourd'hui je ne peux plus parler, à peine si je peux remuer les bras. Mon dieu ! Mon dieu ! Je vais mourir. Je m'y attendais, mais je ne puis me faire à l'idée de souffrir plus que je ne souffre, et si..."
A partir de ce mot les quelques caractères que Marguerite avait essayé de tracer étaient illisibles, et c'était Julie Duprat qui avait continué.